I – DÉRIVES THÉRAPEUTIQUES ET DÉRIVES
SECTAIRES : DE MULTIPLES PRATIQUES, DE MULTIPLES TECHNIQUES DE DIFFUSION ET
DE MULTIPLES RISQUES
« De l’épicier de quartier à la PME ou à
la multinationale, il y en a pour chacun selon son appétit et ses compétences. »
Ainsi Maître Daniel Picotin, avocat spécialisé en droit des dérives sectaires,
résume-t-il la situation à l’occasion de son audition par la commission d’enquête
sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la
santé, le 6 février 2013[1].
De la « simple » dérive thérapeutique
à la redoutable dérive sectaire, le catalogue de ces « dévoiements »
moraux, tels que les qualifie la Mission interministérielle de vigilance et de
lutte contre les dérives sectaires[2], ne cesse de s’étoffer. Du groupe
philosophique à la « secte », en passant par les PNCAVT (pratiques
non conventionnelles à visée thérapeutique), ces mouvances peuvent masquer —
sous un voile hétéroclite — nombre de caractéristiques communes, tant au niveau
de leurs techniques de diffusion que
de leurs dangers.
A –
TYPOLOGIE DES DÉRIVES THÉRAPEUTIQUES ET/OU SECTAIRES
Protéiforme,
multipolaire, national comme international, le risque thérapeutique et/ou
sectaire est partout. Santé, enfance
et éducation, vie publique et associative, vie professionnelle, spirituel,
religieux, philosophie, art de vivre, développement personnel,
« médecine » alternative ou complémentaire… état des lieux.
1- Une
notion floue : la « secte »
Comme le
rappelle François Pignier, ancien président de chambre à la Cour d’appel de
Paris et vice-président du Centre contre les manipulations mentales (CCMM),
« en raison du principe de laïcité,
c’est-à-dire de l’indifférence religieuse caractéristique du droit français
républicain[3],
il n’est pas possible de donner du terme secte une définition juridique »[4].
Alors qu’il n’est pas question pour les
pouvoirs publics de rétablir un ordre moral antirépublicain, et après plusieurs
tentatives infructueuses de définition ces dernières décennies — substantialiste,
pragmatique, sociologique ou juridique —, nous constatons qu’il est délicat de
jongler avec le principe de laïcité d’un côté et, de l’autre, la liberté d’opinion
proclamée par l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
de 1789, et celle de pensée, de conscience et de religion issue de l’article 9
de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales (régulièrement rappelé au bon souvenir de l’État français par la
Cour européenne des droits de l’homme).
C’est pourquoi nous ne retiendrons que deux définitions doctrinales :
celle de François Pignier à l’occasion de la rédaction de son ouvrage Les dérives sectaires face au droit français,
et celle de Jean-Pierre Jougla, coresponsable du diplôme universitaire Emprise sectaire, processus de vulnérabilité
et enjeux éthiques auprès de la faculté de médecine de l’université Paris
V.
La première est essentiellement analytique, et définit la secte comme
« une association de personnes soumises à un chef incontrôlé, le gourou,
qui s’emploie à inculquer une idéologie indiscutable au moyen de techniques
manipulatoires dans un but de pouvoir ou de lucre »[5]. Selon
M. Pignier, une secte se voit donc constituée des cinq éléments suivants : une association de personnes
physiques, un chef absolutiste, une idéologie péremptoire, des manipulations
spécifiques physiques et mentales, et une finalité de pouvoir ou d’enrichissement
excessif.
La seconde définition part de la notion d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de
la situation de faiblesse, dont le délit est réprimé par l’article 223-15-2
du Code pénal (issu de la loi du 12 juin 2001, dite « loi
About-Picard », que nous détaillerons ultérieurement). Selon ses termes,
la secte est un « mouvement portant atteinte aux droits de l’homme et aux
libertés fondamentales, qui abuse de l’état d’ignorance ou de la situation de
faiblesse d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique, créé,
maintenu ou exploité, résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées
ou de techniques propres à altérer son jugement pour conduire à un acte ou une
abstention gravement préjudiciable »[6].
Bien qu’imparfaites, ces deux définitions
permettent de distinguer les
mouvements sectaires des associations libres, et complètent le travail du Père
Jacques Trouslard — décoré de la Légion d’honneur en 2002 au titre de son
action pour les victimes de sectes et décédé en 2011 —, à travers lequel
la qualification de secte résulte des réponses aux trois interrogations suivantes :
-
le pouvoir, ou comment le gourou a-t-il
été recruté (auto-proclamation ou élection) ?
-
le savoir, ou l’idéologie professée par la
secte aboutit-elle à une emprise totale ou non ?
-
l’avoir, ou comment sont récoltés les
fonds et à qui profitent-ils (transparence ou opacité) ?
Constatant ainsi que le mot « secte »
utilisé dans le langage courant demeure une notion de fait potentiellement polémique et qu’il n’existe aucun texte de loi
interdisant l’appartenance à l’une d’entre elles, la Miviludes (voir encadré) a
orienté son action autour de la notion plus pragmatique — mais toujours non
juridique — de « dérive sectaire ».
La mission interministérielle
de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes)
La Miviludesa,
instituée auprès du Premier ministre par un décret du 28 novembre 2002b,
est chargée de :
1° D’observer et d’analyser
le phénomène des mouvements à caractère sectaire dont les agissements sont
attentatoires aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales ou
constituent une menace à l’ordre public ou sont contraires aux lois et
règlements ;
2° De favoriser, dans le
respect des libertés publiques, la coordination de l’action préventive et
répressive des pouvoirs publics à l’encontre de ces agissements ;
3° De développer l’échange des
informations entre les services publics sur les pratiques administratives dans
le domaine de la lutte contre les dérives sectaires ;
4° De contribuer à l’information
et à la formation des agents publics dans ce domaine ;
5° D’informer le public sur
les risques, et le cas échéant les dangers, auxquels les dérives sectaires l’exposent
et de faciliter la mise en œuvre d’actions d’aide aux victimes de ces dérives ;
6° De participer aux travaux
relatifs aux questions relevant de sa compétence menés par le ministère des
affaires étrangères dans le champ international.
Pour réaliser ses missions,
elle est rendue destinataire par les différentes administrations concernées des
informations que celles-ci détiennent sur les mouvements à caractère sectaire.
Elle peut également saisir les services centraux des ministères de toute
demande tendant à la réalisation d’études ou de recherches dans le domaine de
la lutte contre les dérives sectaires. Elle diffuse régulièrement à ces
services la synthèse des analyses générales effectuées sur le sujet.
Elle leur signale les
agissements portés à sa connaissance qui lui paraissent pouvoir appeler une
initiative de leur part. Si ces agissements sont susceptibles de recevoir une
qualification pénale, elle les dénonce au procureur de la République et avise
de sa dénonciation le garde des sceaux, ministre de la justice.
Sous l’autorité de son
Président, nommé pour trois ans, la Miviludes est constituée d’une équipe
permanente interdisciplinaire dirigée par un secrétaire général, magistrat de l’ordre
judiciaire. Elle est composée de conseillers mis à disposition par tous les
ministères concernés par la politique publique de lutte contre les dérives
sectaires : intérieur, justice, santé, économie et finances, éducation
nationale, affaires étrangères.
Le Président de la Miviludes
préside également deux instances collégiales, réunies tous les deux mois :
- un comité exécutif qui
réunit les représentants des différentes grandes directions des ministères
concernés ;
- un conseil d’orientation,
composé de 30 membres, nommés par arrêté du Premier ministre : parlementaires,
représentants de la fonction publique, du mouvement associatif, du monde
médical ou du secteur économique et social.
Un rapport est remis chaque
année par son président au Premier ministre. Il est ensuite rendu public.
Au niveau local, elle
participe aux réunions des groupes de travail mis en place par les préfets.
Elle dispose enfin de
correspondants régionaux, qui sont chargés d’assurer le suivi de ces questions
et de contribuer à la sensibilisation des agents et à l’information des
usagers.
a Elle a succédé à la Mission interministérielle
de lutte contre les sectes (MILS), créée en 1998, qui, elle-même, a pris la
place de l’Observatoire interministériel sur les sectes, instituée en 1996.
b Décret n° 2002-1392 du 28 novembre 2002
instituant une mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les
dérives sectaires.
2-
De la « secte » à la « dérive
sectaire »
La Miviludes, qui reçoit environ 2000 signalements
par an, définit la dérive sectaire sur la base de son expérience de la manière
suivante : « La dérive sectaire est un dévoiement de la liberté de pensée,
d’opinion ou de religion qui porte atteinte aux droits fondamentaux, à la
sécurité ou à l’intégrité des personnes, à l’ordre public, aux lois ou aux
règlements. Elle se caractérise par la mise en œuvre, par un groupe organisé ou
par un individu isolé, quelle que soit sa nature ou son activité, de pressions
ou de techniques ayant pour but de créer, de maintenir ou d’exploiter chez une
personne un état de sujétion psychologique ou physique, la privant d’une partie
de son libre arbitre, avec des conséquences dommageables pour cette personne,
son entourage ou pour la société. »[7]
Il s’agit donc d’un concept opératoire, permettant de déterminer un type de
comportements bien précis qui nécessitent une réaction de la part de la
puissance publique. Afin de les détecter, la Miviludes utilisent plusieurs critères d’identification, initialement
dégagés par les Renseignements généraux, puis complétés par les commissions d’enquête
parlementaires dédiées au phénomène :
-
la
déstabilisation mentale ;
-
le
caractère exorbitant des exigences financières ;
-
la
rupture avec l’environnement d’origine ;
-
l’existence
d’atteintes à l’intégrité physique ;
-
l’embrigadement
des enfants ;
-
le
discours antisocial ;
-
les
troubles à l’ordre public ;
-
l’importance
des démêlés judiciaires ;
-
l’éventuel
détournement des circuits économiques traditionnels ;
-
les
tentatives d’infiltration des pouvoirs publics.
La Miviludes précise enfin qu’un seul critère
ne suffit pas pour caractériser l’existence d’un risque de dérive sectaire et que
tous les critères n’ont pas la même valeur. Cela étant, le premier (la déstabilisation
mentale) s’avère toujours présent
dans les cas de dérives sectaires.
C’est donc de la combinaison de plusieurs critères que naît la concrétisation d’un
risque sectaire, sévissant dans nombre de domaines, à commencer par celui de la
santé.
3-
Le domaine de la santé : terreau principal
des dérives
À elles seules, les dérives sectaires dans le
monde de la santé représentent 25 %
de l’ensemble des signalements reçus à la Miviludes[8] et 50 % des affaires en traitement à la
Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ)[9].
Face à leur inquiétante recrudescence, la
Miviludes a édité un guide spécial en avril 2012 intitulé Santé et dérives sectaires, « destiné à aider à repérer les
situations de danger et à proposer des outils pratiques pour pouvoir réagir en
conséquence, au soutien des victimes »[10]. Georges
Fenech, alors président de la Miviludes et ancien juge d’instruction[11], préface
par ces mots : « Ce phénomène est préoccupant par le nombre de
victimes, la plupart du temps en situation de grande vulnérabilité. Ainsi,
régulièrement, les tribunaux correctionnels condamnent des charlatans de la
santé pour homicide involontaire, non-assistance à personne en danger, risque
causé à autrui, escroquerie, exercice illégal de la médecine ou de la
pharmacie, abus frauduleux de l’état de faiblesse… ». Ce constat
pessimiste est à rapprocher des estimations de la Miviludes, selon
lesquelles :
-
4
Français sur 10 ont recours aux médecines dites alternatives ou complémentaires
(dont 60 % parmi les malades du cancer) ;
-
400
pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique sont proposées ;
-
1 800
structures d’enseignements ou de formation sont « à risques » ;
-
4 000 «
psychothérapeutes » autoproclamés n’ont suivi aucune formation et ne sont inscrits
sur aucun registre ;
-
3 000
médecins seraient en lien avec la mouvance sectaire.
Serge Blisko, actuel président de la Miviludes
et médecin de profession, et Annie Guibert, présidente du CCMM[12], rappellent
qu’il est nécessaire de distinguer
les dérives proprement sectaires,
qui s’accompagnent toujours d’un mécanisme d’emprise mentale[13], des dérives
« simplement » thérapeutiques
— les fameuses PNCAVT, dont les praticiens peuvent sincèrement croire en leur
bienfait, sans toutefois garantir leur innocuité ni l’absence de dévoiement des
pratiques médicales éprouvées. La dérive thérapeutique ne devient donc sectaire
que lorsqu’elle essaie de faire adhérer
le patient à une croyance, à un nouveau mode de pensée ; autrement
dit, lorsqu’elle s’accompagne « d’un mécanisme d’emprise mentale destiné à
ôter toute capacité de discernement au malade et à l’amener à prendre des
décisions qu’il n’aurait pas prises autrement »[14].
Sachant que les liens entre ces deux types de
dérives sont ténus, la maladie étant
« une porte d’entrée facile pour les mouvements à caractère sectaire qui
profitent de la souffrance ou de l’inquiétude des malades et de leur famille
pour mieux installer leur emprise »[15], la
Miviludes s’emploie à mettre en place une vigilance sans faille face à la multitude des pratiques proposées[16].
Alerté par ce phénomène exponentiel, le Sénat a créé, à l’initiative du groupe RDSE, la
commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans
le domaine de la santé, et ce, afin de prendre la mesure des risques dus à des
comportements sectaires qui font de la santé l’amorce d’une emprise exercée sur les victimes. Le Sénat a ainsi
relayé le rapport du Comité d’orientation en matière de médecines complémentaires
de mai 2012[17],
ainsi que celui de l’Académie nationale de médecine de mars 2013, ayant l’un
comme l’autre pris acte de l’insertion des thérapies dites « complémentaires »
dans les hôpitaux, et ayant rappelé que cette dernière ne peut présenter « un
réel intérêt [que] si elle est comprise non comme une reconnaissance et une
valorisation de ces méthodes, mais comme un moyen de préciser leurs effets, de clarifier
leurs indications et d’établir de bonnes règles pour leur utilisation »[18]. Pour
les académiciens, il est ainsi primordial que ces pratiques restent à leur « juste » place, derrière
la médecine basée sur des méthodes scientifiques.
De son côté, la commission d’enquête sénatoriale
a livré son constat dans son rapport d’information n° 480 du 3 avril 2013 Dérives thérapeutiques et dérives
sectaires : la santé en danger[19],
et formulé 41 propositions après 72 auditions au cours desquelles elle a
entendu associations de victimes, professionnels de santé, experts et
représentants d’autorités sanitaires ainsi que des principales administrations
concernées. Elle a aussi souhaité entendre des représentants d’organismes et d’associations
faisant la promotion de pratiques thérapeutiques sur lesquelles son attention a
été alertée.
Ayant d’abord constaté que la maladie et la
quête du bien-être pouvaient exposer au risque de dérive sectaire, la
commission a observé l’existence de dérives thérapeutiques dues à des pratiques
commerciales proches de la charlatanerie, qui exploitent les peurs et les attentes de la population en matière de
santé et de bien-être, et qui peuvent insidieusement orienter leurs victimes
vers des pratiques thérapeutiques souvent dénuées de fondement scientifique, compromettant ainsi leurs chances de
guérison.
La commission s’est ainsi inquiétée du fait que
ces deux phénomènes — dérive sectaire et dérive thérapeutique — en se
combinant, cumulent les dangers liés
à une forme d’emprise et les risques dus à l’exploitation mercantile de la
crédulité de personnes vulnérables.
De manière générale, la commission a jugé très alarmant le fait que l’image de la
médecine classique, altérée — de manière compréhensible — par des scandales
récents, puisse conduire des personnes atteintes de pathologies lourdes à s’interroger
sur les propositions thérapeutiques de leur médecin pour s’en remettre à des
pratiques de « soins », sans nécessairement disposer d’une
information complète sur les conséquences de leur choix.
Il est manifeste que le recours aux PNCAVT est
devenu de plus en plus fréquent. Il
s’agit dans la majorité des cas de pratiques qui ont pour socle le discours d’un
personnage emblématique (qui dans bien des cas possède toutes les
caractéristiques du gourou), bien souvent doublé de méthodes inspirées du
courant New Age[20].
Ces pratiques sont en général mises en œuvre par des non médecins qui n’ont bénéficié d’aucune formation académique. Il n’en reste pas moins que certains
médecins de formation sont parfois tentés d’utiliser ce type de procédés, n’hésitant
pas à se faire radier de l’ordre
pour pouvoir « exercer » sans risque de sanctions ordinales.
L’ensemble des pratiques non conventionnelles
est constitué de méthodes présentées comme de véritables pratiques de soins par
leurs concepteurs ou promoteurs. Très différentes les unes des autres (tant par
leurs techniques que par leurs fondements théoriques ou références
idéologiques), leur point commun est de ne
pas être reconnues, au plan scientifique, par la médecine conventionnelle,
et donc de ne pas être enseignées au cours de la formation initiale des
professionnels de santé.
Ainsi n’y a-t-il qu’un pas entre la dérive
strictement thérapeutique et la dérive sectaire dans le monde de la santé. Nous
allons voir que d’autres milieux sont aussi frappés par ce phénomène.
4-
Les autres types de dérives sectaires
Nous l’avons vu, le terreau principal actuel
des dérives sectaires est le monde de la santé. Mais notons que la commission d’enquête
parlementaire qui s’est penchée sur le sujet n’en était pas moins que la quatrième (la première au Sénat)
concernant le phénomène sectaire. C’est dire si l’enjeu est grand.
La commission sénatoriale nous rappelle en
effet que « tout ceci pourrait être considéré comme relevant de la sphère,
juridiquement protégée, du libre choix des personnes, voire de leur liberté de
conscience », mais que « les pouvoirs publics ont néanmoins le devoir
de protéger les citoyens contre ceux qui abusent de leur faiblesse ou
compromettent leurs chances de guérison, voire de survie »[21].
Avant le rapport sénatorial de 2013, trois
autres commissions d’enquête (issues de l’Assemblée nationale) avaient déjà
œuvré :
1. Les massacres des membres de l’Ordre du Temple
Solaire en 1994 et 1995, au Canada, en Suisse et en France sont à l’origine de
la première commission d’enquête parlementaire consacrée aux sectes, qui publia
son rapport Les sectes en France le 22
décembre 1995[22].
Il présente une vue globale du phénomène sectaire
et des dangers qu’il représente. Il reprend notamment l’évaluation faite par
les Renseignements généraux, à partir d’un faisceau d’indices établi sur la
base de critères de dangerosité, et établit une liste de 172 groupes répondant
à au moins un de ces critères. Le rapport observe en outre une tendance à l’expansion du phénomène.
En termes de méthodes de travail, la commission
d’enquête a décidé de placer sous le régime du secret l’ensemble des auditions
auxquelles elle a procédé « afin de permettre la plus grande liberté de
parole aux personnes dont elle solliciterait le témoignage ». Ainsi, la
liste des personnes auditionnées et le compte rendu des auditions n’ont pas été
annexés au rapport de la commission.
La commission d’enquête a réalisé 20 auditions
de responsables administratifs, médecins, juristes, hommes d’Église,
représentants d’associations d’aide aux victimes, anciens adeptes et dirigeants
d’associations considérées comme sectaires.
2. En 1999, une deuxième commission d’enquête
parlementaire étudie l’ampleur de la dimension prise par les dérives sectaires
dans les domaines économique et financier. Le rapport de la commission d’enquête
rendu le 10 juin, intitulé Les sectes et
l’argent[23],
s’attache à montrer qu’ « au-delà d’un discours d’inspiration ésotérique
ou religieuse […], le phénomène sectaire s’appuie sur une organisation destinée
à assurer l’opacité et la rentabilité de ses activités » et sur des
pratiques frauduleuses.
Comme la première commission d’enquête, celle
de 1999 a appliqué la règle du secret afin de laisser une grande liberté de
parole aux personnes auditionnées, tout en précisant ne pas méconnaître « les
critiques formulées, notamment par un certain nombre de défenseurs des mouvements
sectaires, à l’encontre du choix similaire fait par la commission d’enquête de
1995 ». Cette commission a procédé à 48 auditions. Ont notamment été
entendus des responsables administratifs, des magistrats, des universitaires,
des chercheurs, des acteurs de la vie économique (responsables d’entreprise et
salariés) et des représentants d’organismes d’aide aux victimes ainsi que des
responsables de mouvements mis en cause. La commission d’enquête a adressé un
questionnaire à une soixantaine d’entre eux.
3. En 2006, une troisième commission d’enquête
parlementaire se consacre « à l’influence des mouvements à caractère sectaire
et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des
mineurs ». Intitulé L’enfance volée, les
mineurs victimes de sectes et publié le 12 décembre 2006[24], le
rapport montre que les enfants sont une proie
facile pour certaines organisations et constate que les administrations
concernées sont engagées de manière inégale dans la lutte contre l’influence
des mouvements à caractère sectaire sur les mineurs.
65 personnes ont été auditionnées par la
commission d’enquête. 40 de ces auditions ont été ouverte à la presse. Le
régime du huis clos a néanmoins été appliqué aux auditions de victimes de
sectes qui en ont fait la demande. Afin de respecter le principe du contradictoire,
la commission d’enquête a adressé un questionnaire à de nombreuses
organisations considérées comme sectaires. Enfin, le rapporteur a fait usage
des pouvoirs de contrôle sur place, pour vérifier les conditions dans
lesquelles était assurée l’instruction à domicile auprès des enfants de la communauté
de Tabitha’s Place dans les Pyrénées-Atlantiques.
Notons qu’avant ces commissions parlementaires,
un premier travail d’enquête avait déjà été effectué par le député Alain
Vivien, le Premier ministre de l’époque — Pierre Mauroy — lui ayant commandé un
rapport dès 1982, achevé en 1983 et rendu public en 1985, intitulé Les sectes en France : expressions de la
liberté morale ou facteurs de manipulations ? (aussi connu sous le nom Rapport Vivien)[25].
Le travail de M. Vivien présentait déjà une
photographie du phénomène sectaire et en analysait les principaux aspects tout
en formulant un certain nombre de propositions. Il a ainsi eu le grand mérite
de constituer la première étude approfondie et objective sur les dangers des
sectes, et d’alerter les pouvoirs publics et l’opinion sur une réalité jusque-là
fort mal connue. Cela étant, les mesures qu’il préconisait étant pour la
plupart, malgré leur intérêt et leur simplicité, restées lettre morte, le
phénomène sectaire a continué de prospérer
jusqu’aux commissions parlementaires susvisées, et même au-delà, puisqu’il
perdure encore aujourd’hui.
Nous pouvons tirer de ces différents travaux
(commissions parlementaires et rapport Vivien) une classification des mouvements sectaires, elle-même basée sur la
démarche suivie par les Renseignements généraux. Cette classification consiste
à rattacher chaque mouvement étudié à une « famille » de pensée ou de
pratique. Treize qualificatifs ont ainsi
été retenus pour procéder au classement, qu’il convient, pour la clarté de l’analyse,
de préciser brièvement :
- Les groupes « New Age » :
Ce qualificatif regroupe les organisations qui
se réclament du courant néo-spiritualiste se référant à l’absolu comme
« conscience-énergie »[26] et
mettant en œuvre différentes techniques pour connecter l’adepte avec cet
absolu.
Comme nous l’évoquions, les PNCAVT intègrent
bien souvent des éléments issus de cette mouvance[27].
- Les groupes « alternatifs » :
Ils proposent en général une organisation différente
des circuits économiques, du mode de production, du commerce mondial ou des
rapports humains.
- Les groupes « évangéliques » et « pseudo-catholiques » :
Sont regroupés sous ces qualificatifs les
mouvements qui, tout en se référant à la tradition chrétienne (protestante dans
un cas, catholique dans l’autre) sont réunis autour de personnes (pasteurs,
anciens prêtres) développant une attitude de gourou. Dans le cas des groupes
pseudo-catholiques, leur doctrine s’avère souvent suffisamment éloignée de la théologie
de l’Église pour qu’ils se trouvent exclus de sa communion.
- Les mouvements « apocalyptiques » :
Tous prédisent un prochain cataclysme mondial, se
référant soit à l’Apocalypse de Saint Jean, soit à la doctrine hindouiste des
cycles, soit plus récemment au compte long du calendrier maya (le fameux 21
décembre 2012 et sa fin du monde avortée).
- Les mouvements « néo-païens » :
Alors que dans la perspective chrétienne, les
païens sont les membres des peuples n’ayant pas été atteints par la prédication
chrétienne ou l’ayant refusée, la notion de néo-paganisme renvoie, elle, à
celle d’hommes se référant à d’autres dieux que celui de la Bible.
Les mouvements néo-païens se réfèrent le plus
souvent aux mythologies celtiques ou nordiques, voire à l’animisme.
- Les mouvements « sataniques » :
Ces mouvements ont pour point commun de rendre
un culte à « l’Adversaire » de la tradition biblique, Satan, dans une
démonologie foisonnante.
- Les mouvements « guérisseurs » :
On peut qualifier de guérisseuses les théories
professant un mode de guérison non reconnu par la science médicale actuelle. La
plupart des PNCAVT en sont la manifestation.
Le degré de dangerosité de ces théories varie
suivant qu’elles complètent ou se substituent à des techniques scientifiques, ou
qu’elles entraînent ou non des interactions avec des substances actives
prescrites par des médecins.
Les mouvements guérisseurs sont extrêmement
divers.
- Les mouvements « orientalistes » :
On regroupe sous ce qualificatif une extrême
diversité de mouvements se référant, tout en les dévoyant, aux religions et
doctrines métaphysiques orientales, tel le bouddhisme, l’hindouisme ou le
taoïsme.
- Les mouvements « occultistes » :
L’occultisme se définie couramment comme la
croyance en l’existence et en l’efficacité de pratiques qui ne sont pas
reconnues par la science ni par les religions, et qui requièrent une initiation
particulière. L’alchimie, l’astrologie, la cartomancie, la chiromancie, la
divination, la magie, la nécromancie, la radiesthésie et la télépathie en font traditionnellement
partie.
Alors que l’ésotérisme postule l’existence d’une
tradition primordiale de l’Homme qui ne lui aurait pas été révélée et qui ne
peut être connue que par l’enseignement, l’occultisme est la recherche de
pouvoirs magiques initiatiques. Il existe néanmoins d’innombrables passerelles
entre les deux courants qui autorisent certains à parler d’un courant d’ésotéro-occultiste.
Pour ceux-ci, l’Homme est formé de trois
principes (le physique, l’astral et le divin) dont l’équilibre a été rompu, et
qu’il convient de restaurer par l’initiation, qui permet de rétablir un lien
entre le visible et l’invisible, ce que l’on perçoit et ce qui échappe aux
sens.
- Les mouvements « psychanalytiques » :
Difficile à cerner, le mouvement
psychanalytique développe diverses techniques parapsychologiques prétendant
guérir l’inconscient de traumatismes divers.
- Les mouvements « ufologiques » :
L’ufologie est la croyance en la pluralité des
mondes habités et en la réalité des visiteurs de l’espace : elle postule en d’autres
termes l’existence d’extraterrestres.
- Les mouvements « syncrétiques » :
Est regroupé sous le terme syncrétique l’ensemble
hétérogène des mouvements présentant une synthèse entre les différentes
religions, y compris primitives, voire entre les traditions orientale et
occidentale.
Ce courant est composé de mouvements
extrêmement divers.
Dans l’hypothèse — très fréquente — où des
groupes ne peuvent être rattachés à un unique courant de pensée, il convient de
compléter le type « dominant » à un type « associé », en
soulignant que le type dominant retenu sera toujours celui présentant le plus fort
degré de dangerosité.
Issue des différents travaux susvisés, cette analyse pourrait aujourd’hui se voir
complétée par une quatorzième « famille », à savoir les mouvements « islamistes
violents » ou « salafistes djihadistes » — cruellement d’actualité
—, qui placent l’usage de la violence « comme moteur d’action et de finalité »
à la réalisation des objectifs islamistes[28]. Ces
mouvements ne se limitent pas au message politique de l’islamisme ou à son
caractère missionnaire, mais prônent pour arriver à leurs fins l’usage de la
violence et du terrorisme.
Nous verrons quelles techniques ces quatorze « familles » de mouvements
utilisent pour parvenir à recruter, quelles formes d’organisation elles
adoptent et quels multiples dangers elles présentent.
B –
ORGANISATION, TECHNIQUES DE RECRUTEMENT ET DANGERS DES DÉRIVES THÉRAPEUTHIQUES
ET SECTAIRES
Alors que l’organisation et les dimensions du
phénomène sectaire ont considérablement évolué ces dernières années, il en est
de même des techniques de recrutement utilisées — prodigieusement favorisées
par la sphère Internet — et des risques encourus, tant pour l’individu que pour
la société dans son ensemble.
1-
Une atomisation du phénomène sectaire
Loin des grands groupes religieux ou prétendus
tels de jadis, le phénomène sectaire se
morcelle, se fragmente, se
transforme graduellement en une myriade d’individus
ou de microstructures plus ou moins organisées, unis par un axiome : un
même niveau de danger.
Serge Blisko, président de la Miviludes, souligne
ainsi qu’ « on assiste à un morcellement,
voire à une atomisation, du
phénomène sectaire où les grands groupes organisés, souvent de taille
internationale, laissent progressivement la place à une multitude de petites
structures dispersées sur l’ensemble du territoire national »[29]. Il s’inquiète
de la recrudescence de ce qu’il
qualifie les « nouveaux gourous » qui, même s’ils agissent seuls ou
dans une zone géographique limitée, fonctionnent de plus en plus souvent en réseaux organisés, appliquant des
méthodes similaires voire standardisées.
De son côté, Annie Guibert, présidente du CCMM,
estime très préoccupante « l’éclosion [de cette] multitude de petites structures qui échappent aux garde-fous
juridiques et professionnels, détournent les règles, [et] exploitent l’absence
de réglementation et de contrôle ». Elle dénonce notamment ceux qu’elle
appelle les « pseudo-praticiens », qui se parent de titres
« plus ou moins ronflants », offrant de nouvelles méthodes, de
nouvelles pratiques, exerçant seuls mais fonctionnant en « réseaux ramifiés », déployant
« une véritable emprise mentale sur leurs "patients" pour
souvent mieux les dépouiller de leurs ressources »[30].
Constatant cette atomisation sur le terrain, la
commission sénatoriale confirme que coexistent dans la « nébuleuse sectaire » des
mouvements comptant plusieurs centaines de milliers de membres et des
groupuscules limités à quelques individus. Elle confirme également que certains
groupes appartiennent à un réseau mondialisé, tandis que d’autres demeurent
dans le périmètre d’une commune. Elle conclut enfin que le format qui semble
dominer aujourd’hui est relativement éclaté[31].
Conclusion d’ailleurs partagée par Maître Daniel Picotin — avocat spécialisé en
droit des dérives sectaires et président de la délégation régionale du CCMM
« Infos-sectes Aquitaine » —, précisant lui-même que « plutôt qu’aux
grandes structures […], la tendance est à l’éclatement en une multitude de
gourous et de thérapeutes »[32].
2-
Les principales techniques de recrutement,
aujourd’hui facilitées par la sphère Internet
« Internet
est le canal de recrutement privilégié
par les terroristes. Ils y ont affiné leurs techniques d’embrigadement. Ils
en utilisent toutes les possibilités : sites d’apologie du terrorisme, forums,
services de messagerie directe (Skype, WhatsApp), vidéos (YouTube, DailyMotion
ou chaînes spécialisées), et même des sites de rencontres pour célibataires.
Les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram) sont utilisés pour prendre
contact de proche en proche : ceux qui sont sur place en charge de recruter y
postent des messages et y discutent avec ceux qui sont en France. Pour eux,
Internet est le moyen de faire circuler massivement
leur propagande et de proposer aux jeunes un discours adapté à ceux qu’ils
veulent attirer dans leurs filets. »
Ainsi le site gouvernemental http://www.stop-djihadisme.gouv.fr/ décrit-il la propagande massive déployée sur
Internet par les mouvements salafistes djihadistes.
Précurseurs dans l’utilisation du web pour la
mise en place de leurs techniques de recrutement, les mouvements islamistes
violents démontrent le potentiel de l’outil Internet comme arme de propagande.
Des réseaux sociaux populaires au dark
web[33]
en passant par les forums ou autres blogs, l’ensemble
des mouvements sectaires est à même d’utiliser la force de frappe numérique,
et ce, aussi bien pour relayer leurs points de propagande traditionnels qu’en
générer de nouveaux. Nous pouvons citer les suivants :
- L’argument
du complot et l’exploitation des peurs :
En matière de santé, la commission sénatoriale le
reconnaît elle-même : l’image de la médecine classique, dont les
indéniables progrès ont pourtant permis d’allonger considérablement l’espérance
de vie, est aujourd’hui altérée par l’inquiétude et le « climat
anxiogène » résultant de manière compréhensible des scandales les plus
récents, comme celui du Mediator[34].
À ce propos, Isabelle Adenot, présidente du
Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, fait remarquer que « les scandales
comme celui du Mediator ont […] accentué la défiance du public à l’égard des
médicaments, le précipitant massivement vers des solutions de remplacement
parfois plus que douteuses », et que « le public oppose de plus en
plus les médicaments (chimiques donc suspects à leurs yeux) aux plantes
(naturelles donc supposément bénéfiques), [sachant que] cette distinction est
absurde, car nombreux sont les médicaments à base de plantes »[35].
Sévissant dans nombre d’autres domaines que
celui de la santé, cette défiance permet aux mouvements sectaires d’exploiter les inquiétudes et les peurs,
et de se référer à un complot imaginaire pour justifier l’emprise exercée sur
les adeptes. Le complot a du reste été élevé au rang de théorie ces dernières décennies, proposant ni plus ni moins d’offrir
une vision de l’histoire perçue comme le produit de l’action d’un groupe
occulte agissant dans l’ombre.
- Le
besoin narcissique du patient :
Propre aux dérives dans le milieu de la santé,
ce besoin est défini par Jean-Pierre Jougla comme le « besoin [du patient]
d’être pris en charge globalement, d’être au centre d’un processus ou même
parfois simplement conforme à une mode ». Il reconnaît par ailleurs le
manque d’écoute et les réponses parfois inadéquates du monde médical, poussant
les personnes à « se tourner vers des charlatans dont la seule qualité est
d’être des bonimenteurs et d’avoir cette empathie si nécessaire à chacun
aujourd’hui »[36].
La commission sénatoriale constate à ce sujet
que « le sentiment d’absence d’écoute
et de prise en charge individuelle lié à l’organisation du système de soins
elle-même et à ses dysfonctionnements incontestables est une réalité » et
que « la prise en compte du bien-être du patient doit être intégrée aux
protocoles de soins et aux objectifs des personnels administratifs, ainsi qu’à
l’enseignement universitaire »[37].
- La
référence à un héritage millénaire :
Propre à nombre de mouvements sectaires, cette
référence tend à rassurer l’adepte,
tranquillisé par des siècles de pratiques prétendument bénéfiques, par ce que
Catherine Picard, présidente de l’Union nationale des associations de défense
des familles et de l’individu victimes de sectes (Unadfi), qualifie de « tradition
basée sur l’héritage d’un seul maître, qui implique parfois un culte passéiste »[38].
- Un
habillage pseudo-technologique :
En plus de cette référence à la nature et à la
tradition, de nombreux mouvements habillent
paradoxalement leurs pratiques d’un flot d’arguments de vente
pseudo-technologiques, voire pseudo-scientifiques, n’hésitant pas à revendiquer
par exemple la double inspiration médecine chinoise-physique quantique.
- Une
allure respectable :
Pour inspirer
confiance et simuler leur sérieux, certains mouvements feignent une
véritable respectabilité :
• par l’usage de signes
extérieurs tels que médailles et diplômes,
• par l’encadrement d’un environnement pseudo-institutionnel (« fédération »,
« ordre », « charte » ou « code de déontologie »)
destiné notamment à faire oublier que la plupart des pratiques en question ne
sont pas reconnues et qu’elles interviennent en dehors de tout cadre légal,
• par la revendication de compétences acquises au cours d’études
longues et exigeantes, alors que beaucoup le sont au bout de quelques semaines voire de quelques jours seulement,
• par l’utilisation d’un langage émaillé de références scientifiques,
visant à donner l’impression d’une
technologie rassurante, fruit d’une recherche pointue dont on donne en
quelque sorte la primeur au « client », tandis qu’aucune expérience
scientifique ne vient étayer les thèses avancées,
• par la mise en place d’une ambiance
médicale (cabinet aux allures cliniques, blouses blanches, etc.), bien que
de nombreux praticiens n’aient aucune formation médicale.
-
La multiplication des promesses :
Salut, pouvoir, promotion, bien-être, santé,
guérison, réussites en tous genres. On touche ici du doigt la croyance au miracle ou — comme l’évoquent
Jean-Pierre Jougla, Catherine Picard, Philippe-Jean Parquet (professeur de
psychiatrie infanto-juvénile à l’université de Lille, spécialiste de l’emprise
mentale), Guy Rouquet (président de l’association Psychothérapie Vigilance) ou
encore Olivier Hertel (journaliste à Sciences et Avenir) — à la « pensée magique », dont les
pratiques « ne reposent sur aucun cadre déontologique, sur aucun
protocole, sur aucune méthodologie [et] entraînent rapidement les personnes
dans un imaginaire coupé de la réalité »[39].
- L’infiltration
des hôpitaux, de la formation professionnelle, des universités et de Pôle emploi :
Force est de constater l’introduction — pour ne
pas dire l’infiltration — au sein
des hôpitaux des PNCAVT. Alors que leur évaluation clinique dans le cadre de
protocoles de recherche n’est absolument pas institutionnalisée, que ces
thérapies ne sont le plus souvent étayées par aucune connaissance scientifique
et qu’il n’existe aucun suivi du recours des patients à celles-ci une fois
sortis, la commission sénatoriale s’inquiète de cette introduction et du danger
qu’elle comporte « de conférer d’emblée une notoriété et une crédibilité à ces techniques », en plus
« d’une forme de reconnaissance et
donc d’approbation »[40]. Elle
partage donc les recommandations des rapports du Comité d’orientation en
matière de médecines complémentaires et de l’Académie nationale de médecine
précités.
Par ailleurs, la Miviludes signale dans son
guide Savoir déceler les dérives
sectaires dans la formation professionnelle que « si la diversité des
organismes de formation est une chance, elle constitue aussi une opportunité et
une cible privilégiée pour les mouvements à caractère sectaire cherchant à
acquérir de nouvelles ressources
financières, à recruter de nouveaux
adeptes et à conquérir des parts d’influence
dans les entreprises ou les administrations »[41]. Si le
législateur et la Délégation générale à l’emploi et à la formation
professionnelle (DGEFP) ont récemment opéré des efforts réels pour mieux
contrôler le champ de la formation professionnelle[42], le
domaine de l’enseignement supérieur semble avoir été oublié, alors même qu’il
constitue un champ de formation continue. Faute de contrôle de l’État du fait
de l’autonomie des universités, la question des diplômes universitaires (DU) est source de dérives. La commission sénatoriale regrette à ce propos « qu’aucun
recensement systématique des DU ne soit réalisé par le ministère de l’enseignement
supérieur et de la recherche »[43]. Enfin,
point d’orgue de cet imbroglio, Pôle emploi valide implicitement ces formations ambiguës par l’utilisation de
codes ROME[44]
qui leur sont dédiés.
3-
Une technique commune : l’emprise mentale
Propre à
l’ensemble des dérives sectaires, quel que soit le milieu dans lequel ces
dernières sévissent, l’emprise mentale procède « d’un mécanisme très
curieux de rencontre entre la pathologie du gourou — désir de puissance, ratage
affectif ou professionnel — et ce que recherche son adepte »[45].
Si, comme nous le verrons, elle s’avère
difficile à objectiver pour les juristes[46], elle n’en
reste pas moins une cruelle réalité que les psychologues, psychanalystes,
médecins psychiatres et conseillers écoutant des associations d’aide aux
victimes connaissent bien.
Définie par le CCMM dans son guide Combattre les dérives sectaires :
analyser et comprendre l’emprise mentale[47], celle-ci
est un « mécanisme […] destiné à ôter
toute capacité de discernement à la personne et à l’amener à prendre des
décisions qu’elle n’aurait pas prises
autrement », basé cliniquement sur une triple technique :
cognitive, affective et comportementale, « ceci à des fins perverses de
conditionnement, de contrainte morale, psychologique, physique et, quelquefois,
sexuelle et d’escroquerie ». Ce mécanis-
me — décortiqué par le Docteur Jean-Marie Abgrall, psychiatre, dans
un article publié en juillet 2000 dans la revue Actualité en psychiatrie et intitulé La manipulation mentale : mythe médiatique ou réalité
psychiatrique ?[48] — se
développe en trois temps : séduction, dépersonnalisation, reconstruction d’une
nouvelle identité automatisée. C’est un processus particulier et complexe qui tend
à priver la ou les futures victimes
de leurs facultés de discernement et de libre décision.
Pour les besoins opérationnels des enquêteurs
et experts, Philippe-Jean Parquet, professeur de psychiatrie infanto-juvénile à
l’université de Lille et spécialiste de l’emprise mentale, a établi une
définition de l’emprise mentale en neuf
critères, validés par la commission sénatoriale et destinés à asseoir un diagnostic dans une démarche comparable
à celle du traitement des pathologies mentales. Cinq d’entre eux suffisent mais
sont nécessaires pour identifier une dérive sectaire et un état d’emprise
mentale :
1. rupture
avec le comportement antérieur (conduite, jugements, valeurs, sociabilité
individuelle, familiales et collectives),
2. occultation
des repères antérieurs, rupture dans
la cohérence avec la vie antérieure et remodelage
de la vie (affective, cognitive, relationnelle, morale et sociale) de la
personne imposé par un tiers,
3. adhésion
et allégeance inconditionnelle, affective, comportementale, intellectuelle,
morale et sociale à une personne, un groupe ou une institution, conduisant à
une délégation permanente à un
modèle imposé,
4. mise
à disposition complète, progressive et extensive de sa vie à une personne
ou à une institution,
5. sensibilité
accrue dans le temps aux idées, aux concepts, aux prescriptions, aux
injonctions et ordres, à un corpus doctrinal avec éventuellement mise au
service de ceux-ci dans une démarche prosélyte,
6. dépossession
des compétences d’une personne avec anesthésie affective, altération du
jugement, perte des repères, des valeurs et du sens critique,
7. altération
de la liberté de choix,
8. imperméabilité
aux avis, attitudes, valeurs de l’environnement avec impossibilité de se
remettre en cause et de promouvoir un changement,
9. induction
et réalisation d’actes gravement préjudiciables à la personne, ces actes n’étant
plus perçus comme dommageables ou contraires aux modes de vie et valeurs
habituellement admis dans notre société.
Au vu de ses éléments, l’emprise mentale a donc
pour mission de mettre les personnes dans l’état psychologique susvisé et d’utiliser
celui-ci au bénéfice de l’organisation
sectaire. Elle constitue une « mise en place d’un état psychologique
nouveau, induit », couplé à « l’utilisation de certains procédés, de
certaines modalités relationnelles, affectives et intellectuelles »,
eux-mêmes animés par « une intentionnalité d’asservissement, de se servir
d’autrui » [49].
En somme, l’emprise mentale vise à installer
les personnes visées dans un état de « soumission librement consentie » voire de « soumission à l’autorité », deux
concepts bien connus de la psychologie sociale, et respectivement développés
par Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois d’un côté, et Stanley Milgram de
l’autre. La première, s’apparentant à une manipulation,
décrit de manière expérimentale la conséquence d’un procédé de persuasion qui conduit à donner l’impression
aux individus concernés qu’ils sont les auteurs de certaines décisions[50] et
[51] ;
quant à la seconde, elle évalue le degré
d’obéissance d’un individu devant une autorité qu’il juge légitime et
analyse le processus de soumission à
cette dernière, notamment quand elle induit des actions qui posent des
problèmes de conscience au sujet[52]. Si la
première n’a pour objectif que de conduire une personne à prendre plus
rapidement et plus facilement une décision qui peut ou non lui être bénéfique (mais
qui est surtout favorable à celui
qui use de cette méthode), la seconde place l’individu dans ce que Milgram
nomme un état « agentique »,
dans lequel ce dernier perd son
autonomie, délègue totalement sa responsabilité à l’autorité et se
transforme en « agent exécutif d’une
volonté étrangère ».
4-
Des dangers accrus
Nous l’avons vu, la Miviludes a identifié une
liste de dix dangers, initialement
dégagés par les Renseignements généraux, puis complétés par les commissions d’enquête
parlementaires qui ont travaillé sur le phénomène :
-
Cinq
dangers pour l’individu, que sont :
•
la déstabilisation
mentale
•
des
exigences financières exorbitantes
•
la rupture
de l’adepte avec son environnement d’origine
•
l’atteinte
à l’intégrité physique des adeptes
•
l’embrigadement
des enfants
-
Cinq
dangers pour la collectivité, que
sont :
•
un
discours clairement antisocial
•
des
troubles à l’ordre public
•
l’importance
des démêlés judiciaires
•
le détournement
des circuits économiques traditionnels
•
les
infiltrations ou tentatives d’infiltration des pouvoirs publics
La Miviludes utilise ces dangers ostensibles soit
comme indices de nature à mettre en
garde quant à une possible dérive sectaire (le caractère exorbitant des
exigences financières, les troubles à l’ordre public, l’importance des démêlés
judiciaires, l’éventuel détournement des circuits économiques traditionnels,
les tentatives d’infiltration des pouvoirs publics ou le discours clairement
antisocial) soit comme critères caractérisant
spécifiquement la dérive sectaire (la déstabilisation mentale, la rupture
induite avec l’environnement d’origine, les atteintes à l’intégrité physique ou
l’embrigadement des enfants).
Le diagnostic de dérive sectaire — établi par
les autorités ou les associations reconnues d’utilité publique — ne peut ainsi émerger
que d’une conjonction significative
de ces différents dangers. De leur côté, le CCMM et l’Unadfi complètent leur
approche par les critères[53] publiés
dans l’ouvrage La dérive sectaire d’Anne
Fournier, historienne, et Michel Monroy, médecin psychiatre[54].
Bien évidemment, en plus de ces dangers
spécifiques, les dérives sectaires sont susceptibles d’occasionner des infractions de droit commun à l’encontre
de leurs victimes. Ainsi, les atteintes
aux biens les plus fréquemment relevées par les tribunaux sont l’escroquerie,
l’extorsion de fonds ou l’abus de confiance[55]. En ce
qui concerne les atteintes aux personnes,
les homicides ou blessures involontaires, ou la non-assistance à personne en
danger ne sont pas rares[56].
Peuvent également être relevés la non-dénonciation de crimes, les violences et
menaces, le proxénétisme, la corruption de mineurs et les agressions sexuelles
(notamment sur mineurs).
Dans le domaine spécifique de la santé, un
double risque majeur sévit : la privation
de soins et la perte de chance. L’une
comme l’autre peuvent avoir des conséquences dramatiques[57]. Les
victimes, à l’intelligence parfaitement normale, ont en commun de s’être laissé
convaincre par des médecins et des thérapeutes aux recommandations parfaitement
fantaisistes, et de n’avoir pas recouru aux traitements classiques qui, seuls,
étaient susceptibles d’améliorer leur état. De surcroît, l’attraction exercée
par ces gourous thérapeutes peut aussi s’expliquer par un discours
rassurant : il est plus facile d’attirer des « clients » atteints d’un
cancer avec un traitement de vitamines et de marche au grand air qu’avec une
opération pénible suivie de nombreuses séances de chimiothérapie, et ce, d’autant
plus si le médecin hospitalier a annoncé ce programme de soins sans ménagement,
avec maladresse et brutalité, comme cela peut arriver.
Par ailleurs, un danger méconnu sévit depuis
quelques années : celui des « faux
souvenirs induits ». Cette pratique est utilisée par des thérapeutes
considérant que tous les problèmes existentiels rencontrés chez leurs patients
sont liés à un traumatisme résultant de violences survenues dans leur petite
enfance (faux souvenirs de maltraitance physique ou psychique, d’inceste, de
rites sataniques ou de vies antérieures liés au chamanisme). Aussi induisent-ils,
volontairement ou non, par le biais de techniques d’entretiens
psychothérapeutiques, de faux souvenirs d’abus ou de maltraitances chez leur
patient. Le résultat, appelé « syndrome des faux souvenirs », correspond
soit à la réminiscence d’un événement qui ne s’est jamais produit, soit à la
remémoration altérée d’un événement réel. Si cette technique peut s’exercer de
façon collective ou individuelle, il s’agit dans un cas comme dans l’autre de
dérives psychosectaires utilisant le même processus de manipulation mentale.
Enfin, un danger majeur pour les ex-adeptes est
représenté par « l’après-secte ».
La réinsertion sociale de ces derniers pose en effet des problèmes
psychologiques importants :
•
incapacité
quasi-totale à prendre des décisions,
•
sentiment
de ne plus se connaître,
•
réadaptation
difficile pour retrouver une vie normale et un usage continu de ses facultés,
•
sensation
de vide, d’inutilité voire d’absurdité de l’existence,
•
difficultés
à lier de nouveaux liens d’amitié hors le groupe sectaire, incapacité à
utiliser les codes sociaux,
•
difficultés
à affronter l’univers familial,
•
difficultés
à se retrouver,
•
récupération
difficile du discernement et du sens critique,
•
états
dépressifs, perte de repères.
Les sortants éprouvent des sentiments de honte,
de culpabilité, de souffrance enfouie après leur retour dans la vie réelle. Ils
doivent se refaire une vie. Souvent, ils n’ont plus d’amis, plus de relations
avec leur famille depuis leur entrée en secte, plus de logement, de métier…
rien sauf des dettes. Parfois, la secte peut même détenir des
« secrets » sur la personne : l’ex-adepte peut alors craindre le
chantage.
CONCLUSION DU I : LIBERTÉ THÉRAPEUTIQUE, THÉORIE
DU COMPLOT, RELATIVISME ET SOCIÉTÉ FACILITATRICE, UN COCKTAIL DÉTONNANT
La liberté
thérapeutique est le mot d’ordre d’opposition radicale à une médecine
présentée comme « officielle », comme si ce seul fait la rendait suspecte,
et est partagé par nombre de praticiens de techniques thérapeutiques non
validées qui paraissent souvent échapper à la moindre rationalité[58].
Dans un pays comme le nôtre où la liberté
thérapeutique est de fait respectée, nous pouvons nous étonner de la violence
et de l’omniprésence de cette revendication, qu’il s’agisse des choix vaccinaux
ou du libre recours à toutes les thérapies présentes sur le marché,
fussent-elles ésotériques et douteuses.
Cette revendication s’inscrit dans le cadre
général de la théorie du complot
qui, comme nous l’évoquions, est l’un des arguments-phares de recrutement des
groupes sectaires, tous milieux confondus. Peter Knight, maître de conférences
en littérature américaine auprès de l’Université de Manchester, écrit dans son
ouvrage Conspiracy Theories in American
History : An Encyclopedia[59]
que cette théorie « se prétend cohérente et cherche à démontrer l’existence
d’un complot entendu comme le fait qu’un petit groupe de gens puissants se
coordonne en secret pour planifier et entreprendre une action illégale et
néfaste affectant le cours des évènements ». Couplée au « relativisme ambiant » dénoncé par
Jean-Pierre Jougla[60] — pour
lequel « tout se vaut », les superstitions devenant de facto aussi
valides que les sciences — et à la « société
facilitatrice » décrite par Marie-France Hirigoyen, psychiatre et
psychanalyste victimologue, dans son ouvrage Abus de faiblesse et autres manipula-
tions[61] —
selon laquelle nos contemporains n’ont jamais été autant disposés à croire tout
et n’importe quoi —, l’ensemble forme un cocktail
détonnant, un maelström au sein
duquel s’engouffrent ceux qui, comme le disait le Professeur Claude
Olievenstein, psychiatre français spécialisé dans le traitement de la
toxicomanie, font la rencontre de la mauvaise personne au mauvais moment, alors
même qu’un événement malheureux les a rendus particulièrement vulnérables.
Potentiellement nous tous.
Malheureusement, nous allons voir que face à ce
phénomène, la réponse des pouvoirs publics, qu’elle soit administrative,
disciplinaire, législative ou judiciaire, s’avère globalement insuffisante.
Mais nous allons également voir que cette réponse peut être considérablement
améliorée par la sollicitation d’un acteur-clef en la matière : le détective privé.
[1] Sénat
(2013), Rapport fait au nom de la
commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans
le domaine de la santé – n° 480 – Tome II : procès-verbaux des auditions,
Paris : Palais du Luxembourg, p. 456.
[2]
Miviludes (2012), Guide Santé et dérives
sectaires, Paris : Direction de l’information légale et administrative
(DILA), p. 11 (La Documentation française).
[3] Issue de
la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises et de l’État, prévoyant que le culte soit organisé par le régime
juridique des associations cultuelles, lesquelles sont des associations à but
non lucratif selon la loi de 1901 soumises à un régime spécifique.
[4] François
Pignier (2011), Les dérives sectaires
face au droit français, Paris : Centre contre les manipulations
mentales – Centre Roger Ikor, p. 22.
[5] Ibid., p. 24.
[6] Audition
de M. Jean-Pierre Jougla, coresponsable du diplôme universitaire Emprise sectaire, processus de vulnérabilité
et enjeux éthiques auprès de la faculté de médecine de l’université Paris V,
op. cit., p. 69.
[7]
Miviludes (2012), Guide Santé et dérives
sectaires, op. cit., p. 11.
[8] Ibid., p. 6.
[9] Audition
de M. Patrick Hefner, conseiller du directeur général de la police nationale,
chef du pôle judiciaire prévention et partenariats, op. cit., p. 351.
[10] Le
guide s’adresse aussi bien aux professionnels de la santé qu’aux particuliers
confrontés aux situations de ce type.
[11] Georges
Fenech a instruit le premier grand procès impliquant la Scientologie à Lyon en
1994. Cette enquête a abouti à un procès en 1996, au terme duquel plusieurs de
ses dirigeants ont fait l’objet de condamnations.
[12]
Audition de M. Serge Blisko, président de la Miviludes, op. cit., p. 11 ; audition de Mme Anne Guibert, présidente du
CCMM, op. cit., p. 95.
[13] Lequel
n’est pas propre au seul milieu de la santé et que nous aborderons en détail
dans un prochain chapitre.
[14]
Miviludes (2012), Guide Santé et dérives
sectaires, op. cit., p. 14.
[15]
Audition de M. Serge Blisko, président de la Miviludes, op. cit., p. 11.
[16] Voir
l’annexe I, Liste non exhaustive des PNCAVT
établie par la commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère
sectaire dans le domaine de la santé à l’occasion de son rapport d’information
n° 480 du 3 avril 2013 « Dérives thérapeutiques et dérives sectaires :
la santé en danger ».
[17] Comité
d’orientation en matière de médecines complémentaires (2012), Médecines complémentaires à l’Assistance
publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), 119 p.
[18]
Académie nationale de médecine (2013), Rapport
fait au nom d’un groupe de travail de la commission XV : Thérapies
complémentaires – acupuncture, hypnose, ostéopathie, tai-chi – leur place parmi
les ressources de soins, p. 2.
[19] Sénat
(2013), Rapport fait au nom de la
commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans
le domaine de la santé – n° 480 – Tome I : rapport, Paris : Palais du
Luxembourg, 318 p.
[20] Voir
l’annexe II, L’héritage du New Age dans
le message des organisations revendiquant la liberté thérapeutique.
[21] Sénat
(2013), op. cit., p. 7.
[22]
Assemblée nationale (1995), Rapport fait
au nom de la commission d’enquête sur les sectes – n° 2468 – Xe législature,
Paris : Palais Bourbon, 82 p.
[23]
Assemblée nationale (1999), Rapport fait
au nom de la commission d’enquête sur la situation financière, patrimoniale et
fiscale des sectes, ainsi que sur leurs activités économiques et leurs
relations avec les milieux économiques et financiers – n° 1687 – XIe législature,
Paris : Palais Bourbon, 343 p.
[24]
Assemblée nationale (2006), Rapport fait
au nom de la commission d’enquête relative à l’influence des mouvements à
caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique
et mentale des mineurs – n° 3507 – XIIe législature,
Paris : Palais Bourbon, 213 p.
[25] Alain
Vivien (1985), Les sectes en France :
expressions de la liberté morale ou facteurs de manipulations ? – Rapport
au Premier ministre, Paris : La documentation française, 141 p.
[26] Une
tentative de définition, pour le moins exotique, de la
« conscience-énergie » a été fournie par Jean Belmont dans son
ouvrage Phénomènes paranormaux :
explications scientifiques ou faits avérés ? (2007, Paris : La
Compagnie Littéraire), à savoir : « La conscience-énergie est à la
base de nos cellules. Notre univers est issu de la lumière. Cette dernière est
constituée d’ondes électromagnétiques. Ce champ immatériel qui est acausal et
spinoriel constitue le réservoir d’énergie qui en se différenciant donne tout
ce qui existe. » On retrouve ici le paradoxe qui caractérise les PNCAVT et
leurs praticiens, pointé du doigt par le rapport sénatorial de 2013 et que nous
aborderons plus tard : la référence à la nature et à la tradition sous un
habillage pseudo-technologique voire pseudo-scientifique.
[27] Voir
l’annexe II, L’héritage du New Age dans
le message des organisations revendiquant la liberté thérapeutique.
[28] Eugénie
Bastié et Anne-Clémentine Larroque (2014, 8 août), Hamas, Frères musulmans, djihadistes : les différents visages de
l’islamisme [en ligne], Paris : FigaroVox/Le Figaro.fr,
[29]
Audition de M. Serge Blisko, président de la Miviludes, op. cit., p. 10.
[30]
Audition de Mme Anne Guibert, présidente du CCMM, op. cit., p. 95.
[31] Sénat
(2013), op. cit., p. 13.
[32]
Audition de Me Daniel Picotin, avocat spécialisé en droit des dérives
sectaires, op. cit., p. 456.
[33] Voir
l’annexe III, Deep Web, Dark Web, les
parties immergées d’Internet.
[34] Sénat
(2013), op. cit., p. 10.
[35]
Audition de Mme Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l’Ordre des
pharmaciens, op. cit., p. 126-127.
[36]
Audition de M. Jean-Pierre Jougla, coresponsable du diplôme universitaire Emprise sectaire, processus de vulnérabilité
et enjeux éthiques auprès de la faculté de médecine de l’université Paris V,
op. cit., p. 66.
[37] Sénat
(2013), op. cit., p. 83.
[38]
Audition de Mme Catherine Picard, présidente de l’Unadfi, op. cit., p. 40.
[39]
Audition de Mme Catherine Picard, présidente de l’Unadfi, op. cit., p. 46.
[40] Sénat
(2013), op. cit., p. 103 et 105.
[41]
Miviludes (2012), Guide Savoir déceler
les dérives sectaires dans la formation professionnelle, Paris : Direction
de l’information légale et administrative (DILA), p. 3-4 (La Documentation
française).
[42] Près d’un
organisme contrôlé sur trois a vu tout ou partie de son activité exclue du
champ de la formation professionnelle. La DGEFP note un effet dissuasif avec
une baisse d’environ 20 % du nombre d’organismes inscrits dans les champs du
développement personnel et des formations comportementales entre 2010 et 2011.
[43] Sénat
(2013), op. cit., p. 144.
[44] Le
Répertoire opérationnel des métiers et des emplois ou ROME est un répertoire
créé en 1989 par l’ANPE (Agence nationale pour l’emploi), aujourd’hui Pôle
emploi en France. Il sert à identifier aussi précisément que possible chaque
métier. Ce répertoire comprend plus de 10 000 appellations de métiers et d’emplois.
Cette nomenclature et la codification du ROME sont utilisées par d’autres
organismes publics ou privés traitant de l’emploi.
[45]
Audition de Me Daniel Picotin, avocat spécialisé en droit des dérives
sectaires, op. cit., p. 453.
[46] Ce qui
n’est pas sans poser nombre de problèmes juridiques et judiciaires, que nous
aborderons en deuxième partie.
[47] CCMM
(2011), Combattre les dérives
sectaires : analyser et comprendre l’emprise mentale, Paris : CCMM-Centre
Roger Ikor, 34 p.
[48]
Jean-Marie Abgrall (2000), La
manipulation mentale : mythe médiatique ou réalité psychiatrique ?,
in Actualité en psychiatrie,
Suresnes : Ardix Médical.
[49]
Audition de M. Philippe-Jean Parquet, professeur de psychiatrie infanto-juvénile
à l’université de Lille, spécialiste de l’emprise mentale, op. cit., p. 131-132.
[50]
Robert-Vincent Joule, Jean-Léon Beauvois (2014), Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens,
Grenoble : PUG, 318 p.
[51]
Robert-Vincent Joule, Jean-Léon Beauvois (2010), La soumission librement consentie : Comment amener les gens à
faire librement ce qu’ils doivent faire ?, Paris : PUF, 214 p.
[52] Stanley
Milgram, Expérience sur l’obéissance et
la désobéissance à l’autorité, Paris : Zones, 172 p.
[53] Voir
l’annexe IV, Les caractéristiques qui
peuvent permettre d’établir un diagnostic de dérive sectaire, par Anne Fournier
et Michel Monroy in « La dérive sectaire » Paris, PUF, 1999.
[54] Anne
Fournier, Michel Monroy (1999), La dérive
sectaire, Paris : PUF, 234 p.
[55] À titre
d’exemple, le 2 février 2012, la Cour d’appel de Paris a condamné le «
Celebrity Centre » et sa librairie SEL, les deux principales structures de la
Scientologie française, à 600 000 euros d’amende pour escroquerie en bande
organisée.
[56] La Cour
d’assises de Quimper a ainsi condamné le 3 juin 2005 des parents adeptes d’une
pratique thérapeutique non réglementée (la kinésiologie), à cinq ans d’emprisonnement
dont cinquante-deux mois avec sursis et mise à l’épreuve pendant trois ans pour
non-assistance à personne en danger, à la suite du décès de leur enfant. Plus
récemment encore, en 2011, après le décès d’une enfant âgée de onze mois des
suites d’un régime alimentaire inadapté, des parents végétaliens ont été
condamnés à cinq ans d’emprisonnement dont trente mois avec sursis par la Cour
d’assises de la Somme.
[57] Nous ne
multiplierons pas les témoignages, nombreux, mais pouvons citer à titre
d’exemple tristement éloquent l’ouvrage de Nathalie De Reuck On a tué ma mère ! Les charlatans de la
santé (2010, Paris : Buchet/Chastel), à travers lequel la journaliste
relate les conséquences de traitements prodigués par des praticiens de la
biologie totale sur sa mère, atteinte d’un cancer du sein dont elle mourra, et qui
fut soignée successivement par :
- un kinésiologue-ostéopathe
suggérant à la malade de ne pas se soigner au motif que le kyste serait la
manifestation du conflit qui l’oppose à son mari ; il propose d’éliminer la
tumeur par drainage puis de désinfecter le sein malade au jus de citron. Selon
cet ostéopathe, la douleur effroyable dont la malade se plaint de manière
croissante ne serait que le signe d’une maladie qui disparaîtrait si elle
quittait son mari ;
- un autre thérapeute, qui
suggère l’argile et l’eau salée ;
- deux homéopathes qui
prescrivent pour leur part des granules ;
- une thérapeute
guérisseuse par téléphone ;
- une spécialiste des
chakras qui promet la guérison en une séance grâce au « travail des énergies
avec les mains ».
Le livre de Nathalie De Reuck, coécrit avec le documentariste
Philippe Dutilleul, fut précédé d’un documentaire qui avait marqué les
téléspectateurs belges en 2009, Mort
biologique sur ordonnance téléphonique, disponible à l’adresse
suivante : http://www.rtbf.be/video/detail_tout-ca-ne-nous-rendra-pas-le-congo?id=902563.
[58] Lors de
son audition devant la commission sénatoriale, le représentant du Centre d’information
et de conseil des nouvelles spiritualités (CICNS) a assimilé la revendication
de la liberté thérapeutique à la revendication de la fin de la lutte contre les
dérives sectaires conduite en France : « La liberté thérapeutique est mise en
péril par cette lutte tous azimuts contre les dérives sectaires par l’entremise
de la Miviludes. » Comme le CICNS, la Coordination des associations de
particuliers pour la liberté de conscience (CAPLC) fait de la liberté
thérapeutique une liberté fondamentale, si l’on en juge par les mots d’ordre
affichés sur la page d’accueil de son site : « Liberté de conscience -
liberté de religion - liberté thérapeutique - liberté de pensée - liberté de
culte. » La conclusion de la brochure de la CAPLC intitulée Les « sectes » : un non-problème (2011) confirme
ce glissement de la minorité spirituelle à la minorité thérapeutique en
assimilant la lutte contre les dérives sectaires en France à la lutte contre «
l’ensemble des mouvements non conformistes tels que : le bio, le développement
personnel, les mouvements thérapeutiques et les groupes spirituels et religieux
». Pour en savoir plus sur le CICNS et la CAPLC, voir l’annexe V, Deux associations représentant les
« nouveaux mouvements spirituels » : CAPLC et CICNS.
[59] Peter Knight (2003), Conspiracy Theories
in American History : An Encyclopedia, Santa Barbara : ABC-CLIO, 925 p.
[60]
Audition de M. Jean-Pierre Jougla, coresponsable du diplôme universitaire Emprise sectaire, processus de vulnérabilité
et enjeux éthiques auprès de la faculté de médecine de l’université Paris V,
op. cit., p. 67.
[61] Marie-France
Hirigoyen (2012), Abus de faiblesse et
autres manipulations, Paris : JC Lattès, 300 p.
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